Est-elle encore une amie pour toi, me direz-vous ? Je répondrai sans ambages oui. L’a-t-elle réellement été un jour? Je répondrai qu’elle a de tout temps été mon amie et le demeure encore.
Sa réponse faisait suite à cette position de retranchement ethno-régional dans lequel le mensonge l’a enfermée, car paradoxalement, je la sais ouverte aux autres quand il s’agit de relations sociales. Elle compte dans son cercle restreint plus de sudistes que de nordistes. J’en suis certes peiné, mais je ne discontinue pas de croire en notre amitié.
Bien sûr que je lui ai répondu que je ne suis pas FPI ou un défenseur aveugle de Laurent Gbagbo mais que ma posture répond à un simple besoin de loyauté et au moins de cohérence sur deux points : (i) j’ai gouverné avec Laurent Gbagbo et (ii) je n’ai pas accepté ce qui a été fait à mon pays. En plus de moi, les rebelles que l’on nous a invités à appeler Forces Nouvelles, pour faciliter la réconciliation, ainsi que tous les autres partis politiques (Rdr, Pdci, Udcy, Pit, Udpci, Mfa) ont gouverné avec lui, 8 ans durant. Mieux, le 5 août 2002, pour permettre l’entrée du Rdr au gouvernement, j’ai été mis en congés du précédent gouvernement, en guise de sanction pour avoir bravé et battu le Fpi aux élections du conseil général de Duékoué. Mais cela n’était pas plus important que mon pays, attaqué le 19 septembre de la même année, pour rallier la rébellion. Au nom des valeurs qui sont miennes.
Qu’elle est dure à porter la tristesse de voir des gens parler de réconciliation et célébrer en même temps le 19 septembre, point de départ de tous nos malheurs !
Pour elle, Laurent Gbagbo aurait tué ses parents du Nord. Afin de ne pas l’irriter davantage, je n’ai pas pris le risque de lui poser quelques questions. Quels sont ces parents qui ont été tués ? Où ont-ils été tués ? Pourquoi n’est-elle pas allée témoigner à la CPI ? Ont-ils été tués à leur domicile ou sur leur lieu de travail ? Ou bien ces parents sont-ils ces jeunes convoyés par la rébellion hors de chez eux pour semer la mort et la désolation chez d’autres Ivoiriens, y compris chez les miens ? N’est ce pas alors à la rébellion, qu’elle et moi devrions nous en prendre ?
Qu’elle est dure à porter, la tristesse de voir des gens parler de réconciliation et célébrer en même temps le 19 septembre, point de départ de tous nos malheurs ! Comment alors dire à mon amie qu’elle est dans un terrible déni, sans la blesser ? Décidément, il est tellement vrai vrai que la vérité rougit les yeux sans les casser, car c’est bien le mensonge qui les casse. Comme il est si dur de conduire un aveugle, fût-il un ami.
Peut-on servir un pouvoir jugé autocratique par l’union européenne, et qui a réduit en exilés des milliers de cadres, emprisonné à tour de bras à la force du soutien de l’ex-puissance coloniale, et venir parler de ceux qui ont subi les assauts sanglants d’une rébellion dont chacun a fini par ne plus être fier, comme ayant apporté « l’exclusion, la xénophobie et la haine »? Il y a eu un temps pour le mensonge qui devait légitimer la violence! A présent, place à la République!
Au moins une assurance: ce sont de telles sorties qui devraient renforcer en chacun de ceux qui privilégient la Côte d’Ivoire, l’énergie du combat pour une nation à construire. Il suffira d’une poignée pour rendre inaudible les cris, encore trop bruyants du tribalisme qui est la seule offre politique de l’heure. De Ferké à Kong, de Yamoussoukro aux élues de Tingrela, aux propos si grossiers.
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