Notre projet « construire ensemble » issu du manifeste du parti, est bâti sur la saine redistribution des richesses nationales, la justice sociale, la solidarité, le progrès et le développement solidaire, l’égalité des chances, l’amélioration des conditions de vie et de travail en milieu rural par la mise en œuvre des CMAP (Coopératives de Mécanisation de l’Agriculture Paysanne), l’éducation et la préparation de l’avenir, la souveraineté par une coopération décomplexée et une diplomatie régionale et internationale économique, le filet de sécurité sociale comme moyen de sortir du tribalisme, la place de la tradition comme troisième pilier du pouvoir en complément du pouvoir exécutif et législatif, etc.
Le filet de sécurité sociale, est conçu pour la concrétisation de notre volonté de construire une république sociale et rassemblée. Il permettra de lutter contre le tribalisme. En effet, un citoyen qui n’a d’interlocuteur qu’un membre de sa famille ou de sa tribu pour faire face à ses besoins de santé, d’éducation, de logement, ne peut pas penser à l’état et à la nation au moment d’aborder des questions politiques. Un état socialement absent, ne peut pas attendre de ses citoyens un réflexe civique.
La vraie compassion ce n’est pas jeter une pièce à un mendiant ; c’est comprendre la nécessité de restructurer l’édifice même qui produit des mendiants.
Martin Luther King
Construire la protection sociale pour répondre aux défis démographiques et politiques et pour fonder la nation.
«La protection sociale est un élément essentiel des stratégies nationales visant à promouvoir le développement humain, la stabilité politique et la croissance inclusive» peut-on lire en introduction du rapport 2014 du BIT (Bureau International du Travail).
Cette remarque est particulièrement pertinente dans le cas de la Cote d’Ivoire. Et ce à plus d’un titre.
La protection sociale, outil de stabilité politique et sociale
Un des éléments d’analyse des troubles civils qui ont frappé la Cote d’Ivoire ces dernières années est l’extraordinaire hétérogénéité des situations en fonction des origines géographiques et sociales des familles. L’existence d’inégalités importantes, et la perception de plus en plus accrue de ces inégalités, n’a pas manqué d’alimenter les tensions et les discours
Certains acteurs politiques, soucieux de s’assurer le soutien de certaines ethnies, n’ont d’ailleurs pas hésité à développer de façon plus ou moins officieuse un véritable discours de la persécution.
Si l’on ne peut que regretter cet état de fait, on ne peut se satisfaire d’une simple constatation. Dans cet esprit, comment faire, pour apporter à l’ensemble de la population les conditions minimales de sécurité et le potentiel de développement humain ?
À l’examen de l’histoire des sociétés, notamment celles ayant atteint un bon niveau de développement, on se rend compte de l’effet régulateur des systèmes de protection sociale qui assurent à la fois une réponse à des risques particuliers (santé, maternité, vieillesse…) et organise des redistributions de richesses plus ou moins affirmées.
Les statistiques sur les taux de pauvreté sont assez instructives. Ainsi, dans de nombreux pays, on considère usuellement que l’action des transferts fiscaux et sociaux dans leur ensemble réduit le taux de pauvreté d’une dizaine de points[1]. La prise en compte des transferts sociaux et des impôts directs permet de réduire l’écart entre les plus riches et les plus pauvres.
Une société qui ne fait que créer des exclusions suscite des envies irrépressibles, se traduisant, presque légitimement, dans des accès de violence. D’une certaine façon, nous en avons eu la preuve
La protection sociale, indispensable outil d’avenir
Peu de gens en ont conscience, notamment en Afrique, mais les pays du continent vont devoir faire face à un enjeu considérable et si des mesures ne sont pas prises rapidement, les conséquences pourraient être insurmontables.
La récente mobilisation de la communauté internationale face à la fièvre Ebola a été rendue indispensable par la conjonction de deux éléments
- sans véritable politique de santé publique, peu de pays africains ont une infrastructure santé suffisamment solide pour faire face à des pandémies importantes;
- les pays occidentaux ne peuvent voir le risque, pour leurs propres populations, de laisser les pays africains devenir de véritables incubateurs de virus.
Mais, au risque de passer pour particulièrement inhumain, ceci ne pourrait être qu’un épisode malheureux d’une lente faillite collective.
Comment les populations africaines organisent les mécanismes de solidarité ? A l’instar de ce qui se passait il y a plusieurs siècles, y compris dans les pays développés d’aujourd’hui, la solidarité face aux aléas de l’existence s’organise essentiellement autour de la famille, même si celle-ci peut s’élargir au niveau des villages et de l’ethnie.
La construction économique et politique incertaine de nos pays, sans oublier le véritable puzzle ethnique que représentent nos populations, n’ont pas encore permis l’émergence d’un véritable système de solidarité nationale. Pourtant, cela est indispensable.
En effet, de nombreuses études sur l’Afrique mettent en lumière combien le vieillissement démographique, et aussi les mouvements de populations à la recherche d’eldorados dans les autres continents vont avoir des effets désastreux, que l’on peut comparer à ceux de la désertification rurale connue à la révolution industrielle.
Même cause, même effets ? Les autres ont su, lentement, organiser un modèle de solidarité, professionnel puis national, venu se substituer au modèle familial. Les pays d’Afrique, dont la Côte d’Ivoire, doivent s’engager dans une telle construction. Mais il est à craindre qu’ils n’aient pas autant de temps que l’Ancien Monde.
À ce titre, on doit accueillir favorablement et encourager des initiatives de coopération via des institutions non étatiques de type Mutualité. En effet, on peut raisonnablement penser que l’état central n’aura jamais les moyens d’organiser à lui seul tous les étages d’une telle construction. Il faut donc combiner les systèmes sans laisser l’état abandonner les secteurs structurés dans lesquels sa mission régalienne doit être assumée. Il faut construire un cadre de développement, tant pour les risques santé, retraite et famille.
La santé apparaît comme prioritaire du fait de la prévalence de grandes pandémies comme le paludisme ou le Sida, ainsi que la prolifération de croyances développées par des « pouvoirs locaux » reposant sur des phénomènes de sorcellerie difficiles à appréhender pour des européens, mais bien présent dans le quotidien africain.
Pour cela, il faut à la fois renforcer la qualité des établissements de santé existant, développer un maillage territorial avec des centres de santé fixes ou itinérants, et organiser une coopération et une intervention des tradi-praticiens. À condition que ceux-ci soient recensés par les Conseils Généraux, encadrés et formés à l’hygiène du patient.
La vieillesse est un risque majeur pour des pays dont les forces vives partent à l’étranger.
Enfin, il faudra bien naturellement poursuivre et amplifier les actions autour de la maternité : éducation pour éviter la multiplication des maternités précoces et non désirées, diminution des risques de santé en périnatalité.
Une telle construction, qui représente, il faut en avoir conscience, une véritable révolution culturelle, doit être très sérieusement préparée et accompagnée. Préparée pour prendre la dimension exacte des enjeux et permettre d’agir dans la progressivité. Accompagnée, notamment par l’effort éducatif, car il est difficile de faire prendre conscience des enjeux de la prévoyance lorsque le premier des objectifs de l’africain est simplement de nourrir au jour le jour sa famille.
Un filet de sécurité sociale aiderait à combattre le tribalisme, car, tant que chacun se tourne vers son parent ou le fils de sa région et non l’État ou des structures non ethniques, pour se soigner et s’abriter des coups durs, le tribalisme aura la vie dure.
[1] Au point de vue micro-régional, les études de l’Insee sur la situation dans le Nord-pas de Calais français montrent que, avant redistribution, 10% des habitants vivent dans un ménage dont le revenu unité de consommation (UC) est inférieur à 4.504€ tandis que 10% vivent dans un ménage dont le revenu par UC est supérieur à 27.680€. Après redistribution, ces seuils s’établissent respectivement à 8.187€ et 25.060€. La prise en compte des transferts sociaux et des impôts directs permet ainsi de réduire l’écart entre les plus riches et les plus pauvres
Laisser un commentaire