Eric Kahe : « Qui a voulu nous humilier à ce point ? » s’interroge-t-il après les révélations troublantes d’un expert medico-légal à la Cpi

Atte Kloosterman, Néerlandais, scientifique médico-légal et expert en ADN, a donné de l'animation et relancé le procès, faisant penser désormais à l'hypothèse de preuves préfabriquées

Après le passage des généraux Kassaraté et Guiai Bi Poin, le procès à la Cpi de l’ancien président Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé, était redevenu lassant. Ce mardi, le témoignage  de l’expert, Atte Kloosterman, Néerlandais, scientifique médico-légal et expert en ADN, a donné de l’animation et relancé le procès, donnant désormais du poids à l’hypothèse de preuves préfabriquées, jusque-là insinuée avec une certaine pudeur.

Les réseaux sociaux ont abondamment et réagi à ce témoignage. Les débats se sont concentrés sur une vidéo d’une heure environ, portant sur les questions de la défense au témoin. Au centre des échanges, un tee-shirt censé avoir appartenu à une des victimes de la “marche des femmes” d’Abobo, organisée le 3 mars 2011, et au cours de laquelle sept manifestantes seraient mortes.

Rappelons que la “marche d’Abobo” et les images de femmes présentées comme massacrées par l’armée loyaliste ivoirienne de l’époque a accéléré le processus de diabolisation internationale de Laurent Gbagbo et facilité l’adoption de la résolution 1975 de l’ONU, sous le couvert de laquelle la France de Nicolas Sarkozy est entrée en guerre au bénéfice d’Alassane Ouattara, le rival d’alors de Laurent Gbagbo et ami personnel du président français.

Une controverse qui risque de s’ouvrir sur l’hypothèse de preuves préfabriquées.

L’unanimité n’a jamais état faite sur les condition du décès des “mortes d’Abobo”, qui sont célébrées en martyres chaque année par le régime ivoirien. Une grande controverse qui est d’ailleurs perceptible au sein de la Cpi, où elle s’est exportée, et juste contenue par des considérations morales. Mais ces considérations ne risquent-elles pas de sauter après l’audition de l’expert Atte Kloosterman.

En effet, pour une bonne partie des Ivoiriens, la vidéo qui avait été postée sur Youtube dans le but de montrer au monde entier le “crime” des forces de défense et de sécurité, loyales à Gbagbo, n’est qu’un  « montage » quand d’autres proches du camp Ouattara la considèrent comme une  “preuve absolue”.

Projetée plusieurs fois à la CPI, aussi bien par l’accusation que par la défense, cette vidéo peine à convaincre les observateurs pour lesquels si cette vidéo tente de montrer des femmes à même le sol, le fait que l’une d’elle est invitée à se coucher lorsqu’elle essaie de se relever, est suspect. En outre,  pour ces observateurs, même si la vidéo pourrait prouver que des femmes sont mortes, rien n’indique clairement qui les a tuées, dans un environnement chaotique où plusieurs groupes armés informels pullulaient et où certains manifestants “pacifiques” étaient armés.

Atte Kloosterman a, entre autres éléments, analysé un tee-shirt censé avoir appartenu à une des “mortes d’Abobo”. Et ce qu’il a trouvé a de quoi à troubler.

“Nous avons fait des tests pour déterminer s’il y avait des traces de sang. Nous avons vu des taches suspectes sur le t-shirt, et nous avons donc effectué des tests pour déterminer si c’était du sang, et tous les tests étaient négatifs”.

Réagissant aux curiosités qui ressortent du témoignage de l’expert, l’ancien ministre Eric Kahe, par ailleurs président de l’AIRD, s’est exprimé sur sa page Facebook en ces termes :

Qui a voulu nous humilier à ce point ?
Et si on se résumait :
* Traçabilité douteuse des échantillons;
* Suspicions sur l’échantillonnage;
* Ratio de ressemblance sujet à caution;
* Ecarts avec les Recommandations internationales en matière de réalisation de prélèvements pour tests scientifiques ainsi qu’avec les normes ISO;
* Chaîne de conservation des prélèvements sujette à caution, avec notamment des mentions manuscrites non signées;
* État impeccable d’un tee-shirt avec un trou de balle, pourtant enterré depuis des années;
* Échantillons de poils apparemment non conservés au même endroit que le vêtement et par conséquent non testés;
* « 12 sur 15 des victimes présumées ne correspondant pas à des parents biologiques de disparu-e-s »;
Et pour finir cette précision de l’expert commis par la CPI elle-même:
« Je vais m’expliquer un peu. Nous avons fait des tests pour déterminer s’il y avait des traces de sang. Nous avons vu des taches suspicieuses sur le tee-shirt. Et nous avons donc effectué des tests pour déterminer si c’était du sang. Et tous les tests étaient négatifs. »
Tout cela mis à jour en une petite heure à l’audience du lundi 29 mai 2017, par un témoin qui n’avait pas d’autre choix que de répondre à la Défense.
Nous ne sommes pas un juriste pénal.
Mais le scientifique a l’impression que quelqu’un se moque de notre pays et que ce procès frôle à présent la correctionnelle politico-juridique.
La question du juge président – qui a bien précisé que sa question était directe et non directive – semble le confirmer. Il n’est pas sûr que ceux qui n’utilisent que les injures et la violence comme arguments, comprennent ces subtilités.
Après nos mutineries, nos inimitiés, nos haines, nos mensonges, nos rébellions, nos coups d’Etat, qui a voulu nous humilier à ce point?

La Rédaction

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