Au fond, y a-t -il un exil qui ne soit pas volontaire sans être une déportation ?
Face à la fracture sociale dont l’un des signes est renvoyé au quotidien par la multitude d’exilés dans l’errance, certains compatriotes éprouvent une gêne, pleine de décence. En pareille circonstance, le bonheur, même dans l’opulence, a un goût d’inachevé. Toute société est, avant tout, fondée sur la compétition et le trophée dont on peut être le plus fier est celui qu’on acquiert dans l’admiration de partenaires et adversaires.
Sauf, bien évidemment, quand, conscients de ne point mériter la position qui est la leur, d’autres se parent des vêtements de l’autruche pour parler d’exil volontaire. Nous avons encore entendu ces propos ce week-end, de la bouche d’un laudateur zélé, en manque d’arguments, au cours d’une rencontre politique. Celui-là, et bien d’autres, ont probablement besoin de libérer leur conscience et même de justifier les privilèges qu’aucun mérite intérieur, n’aurait rendu accessibles.
Car au fond, y a-t -il un exil qui ne soit pas volontaire ? L’acte de survie face à des menaces est d’abord volontaire et non imposé par autrui. On veut survivre ou on ne veut pas survivre. Comme est aussi volontaire le suicide. Celui qui se suicide se donne volontairement la mort. Il n’en demeure pas moins que des circonstances ont conduit à la formation de cette volonté. Celui, ou ce qui, cause ces circonstances n’est pas si innocent ! Il a beau jeu de se donner bonne conscience en évoquant la faiblesse du suicidé, il devrait se souvenir que c’est un suicide – donc volontaire – qui a déclenché le printemps arabe et emporté le régime de Ben Ali.
Un homme s’est suicidé parce que le régime politique tunisien de l’époque n’a pas su ou voulu lui donner un cadre à même de lui permettre de vivre décemment ! Le peuple tunisien a, alors, tenu le gouvernement responsable de ce suicide volontaire !
Traiter donc de volontaire un exil qui s’est imposé à des milliers de compatriotes ne saurait régler la question de la cohésion sociale. En vérité, quand un exil est involontaire, cela s’appelle de la déportation ! Car face à la menace, on peut décider, volontairement de ne pas partir au risque de se faire tuer ou emprisonner. Celui qui part, agit par besoin de survie. Exit donc de l’exil volontaire auquel le droit à la vie contraint un individu !
Propos du ministre Eric KAHE, président de l’AIRD, lors d’une rencontre politique du samedi 3 septembre 2016
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