Depuis quelques jours, notre pays, la Côte d’Ivoire, est à nouveau traversé par un vent de mutineries qui paralysent les activités économiques, créent la psychose générale et occasionnent des morts et des blessés. L’AIRD s’incline devant la dépouille des compatriotes fauchés par ces violences et présente ses vœux de prompt rétablissement aux blessés.
En effet, après des mutineries en janvier dernier qui ont été suspendues à la suite d’un accord entre le gouvernement et les mutins, tous issus de l’ex-rébellion ayant contribué à porter au pouvoir l’actuel chef de l’état, une déclaration de renoncement au second volet des promesses, lue au palais de la présidence de la République, le mercredi 10 mai par des militaires présentés comme des représentants des mutins, a mis le feu aux poudres.
Devant une telle situation, le gouvernement a choisi la fermeté et l’état-Major des Armées a appelé à l’arrêt des mouvements en rappelant les sanctions disciplinaires réservées à ceux qui ne se plieraient pas à l’éthique militaire et aux normes républicaines. Loin d’apaiser la situation, cette posture du gouvernement a radicalisé les positions des mutins.
Tout en condamnant avec fermeté la violence – d’où qu’elle vienne et sous toutes ses formes – l’Alliance Ivoirienne pour la République et la Démocratie (AIRD) fait le constat de gros risques dans l’évolution non maîtrisée de la situation, de réels dangers pour l’ensemble de la sous-région ouest-africaine et d’un potentiel pain béni pour le Djihadisme qui pourrait en profiter pour étendre son emprise. Alors que le Nord du Burkina-Faso est en pleine déstabilisation, la dégradation de la situation militaire ivoirienne est de nature à fragiliser le sud de ce pays frère. Tout comme le Sud du Mali qui gère également des soucis sécuritaires au Nord.
L’AIRD note que ces mutineries sont l’expression du déséquilibre politique caractérisé par la clanisation du débat et des institutions, aggravé par le recours excessif à la religion et à l’ethnie, donnant ainsi des prérogatives illégales à ceux qui se considèrent comme les boucliers du régime contre une grande partie des Ivoiriens, en plus de sembler percevoir le pouvoir ivoirien comme leur créature.
Sans une scène politique pacifiée exclusivement par le jeu démocratique et sans unité de la nation et de la classe politique, sans une véritable armée républicaine qui soit l’émanation de la nation au sein de laquelle règnent la justice et l’égalité, préalables à l’ordre ; une politique de fermeté face à ceux qui ont été naguère présentés comme des sauveurs, n’a que très peu de chance de succès. Bien au contraire, la dispersion des armes de guerre sur l’étendue du territoire, qu’entrainerait une confrontation avec les mutins et ses effets pervers dans les pays frères, est une grave menace sur la paix et la sécurité dans la sous-région et les pays cibles du djihadisme. L’histoire du peuplement de la Côte d’Ivoire et celle, récente, de la rébellion, commandent la prudence. Faute de quoi, nous nous acheminons vers un contexte plus compliqué que celui de 2011 avec l’introduction du Djihadisme en prime.
L’AIRD appelle donc à des négociations avec toutes les parties, dans l’optique de la reconstitution de la base républicaine en lieu et place de l’hégémonie politique et de la confrontation militaire dont les conséquences seront financièrement et humainement plus coûteuses aussi bien pour le pays que pour la communauté internationale qui sera obligée d’intervenir en cas de dégradation prévisible de la situation.
Au regard de toutes ces raisons et se fondant sur les règles du droit international, l’AIRD lance un appel solennel à la CEDEAO et à l’Union Africaine (UA) pour leur implication effective dans la résolution durable de la crise ivoirienne, notamment en actualisant l’importante décision de la 265ème réunion du Conseil de Paix et de Sécurité de l’UA du 10 mars 2011 sur la Côte d’Ivoire et ses annexes.
Fait le 15 mai 2015
Eric KAHE
Ancien ministre
Président de l’AIRD
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